Nous vivons un temps où l'espace s'est restreint. Nous pouvons encore aller nous promener en pleine nature, mais notre perception de l'espace, surtout lointain, semble s'être rétrécie. Nous sommes cantonnés à nos pays, à nos régions, à nos villes, à nos villages ou à nos quartiers, puisque voyager hors de nos frontières est devenu une véritable gageure si ce n'est une impossibilité absolue. Prétendre à l'exploration d'autres territoires durant ce grand verrouillage mondial s'avère une ambition bien utopique...

La Terre, notre Terre, est vaste et riche de ses paysages et de sa multiculturalité... mais, devenue inaccessible, nous sommes renvoyés à nos racines, à nos lieux de vie, à nos pénates. Mis à part l'étendue du ciel au-dessus de nos têtes, notre horizon s'est recroquevillé comme pétale fané. Le lointain est devenu plus lointain qu'il ne l'a jamais été. Nous ne pouvons plus guère nous étendre dans cette horizontalité qui faisait notre quotidien, dénués même de rencontres et de partages autour de moments conviviaux dans ces lieux qui nous accueillaient autrefois. 

Peut-être vivons-nous en suspension, dans l'attente de nouvelles possibles transhumances. La Terre, elle, nous en est probablement gré, car elle se régénère et retrouve sa dimension plénière.  

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Il est une vertu à cette période étrange, outre les bienfaits qu'en reçoit notre planète : c'est celui de la profondeur.
Puisque l'horizon nous est fermé, puisque nous avons dû cesser de sillonner les terres, les mers et les cieux, nous sommes invités à goûter les délices de nos profondeurs. D'autres terres lointaines et inconnues s'y révèlent, pour peu que nous choisissions de nous y immerger.
Vous êtes probablement assis(e) à me lire en cet instant. À cette minute précise, il vous est loisible de prendre conscience de vous-même. Vous-même, assis ici, lisant. Vous-même, en train de respirer. Vous-même en train d'exister.

Miracle de votre présence ici et maintenant.

La plupart du temps, nous sommes happés par l'extérieur ou pris dans la toile de nos pensées - comme la mouche imprudente. Nous sommes sollicités par l'activité environnante ou par le brouhaha de notre mental. Nous vivons sur un plan horizontal : l'espace où se déroule les activités du monde ou la temporalité de nos pensées, qui ne sont jamais dans le présent, mais toujours en train de se souvenir ou d'anticiper... Nous ne sommes jamais vraiment là. Nous nous projetons sur le monde ou nous le recréons en nous, sans cesse.  

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Prenez une inspiration paisible, laissez-la amplir vos poumons. Retenez votre souffle quelques secondes puis, tout aussi paisiblement, relâchez votre expiration. Vous êtes là. Vous êtes présent(e).
Prenez une autre inspiration, sentez la vie qui se répand en vous, portée par votre souffle. Souriez. Souriez simplement, sans raison. Gardez votre sourire. Puis, sur l'expiration, ressentez que quelque chose s'ouvre en vous. Comme un calice. Comme une corolle de fleur.
À chacune de vos expirations, cette corolle s'ouvre davantage. Et tandis qu'elle s'ouvre, imaginez et ressentez que vous vous enfoncez en vous-même tout en laissant émerger votre profondeur. Ce sont deux mouvements simultanés : vous inspirez et votre vie intérieure se hisse vers votre conscience. Vous expirez, et vous vous enfoncez doucement en elle...
Garder votre sourire. Le sourire est la porte d'accès à votre profondeur, la porte d'accès à votre vérité, à qui vous êtes...
Appréciez ce double mouvement de vos profondeurs qui montent en vous et de votre conscience qui descend en elles.
Avec le rythme calme et équilibré de votre souffle, la paix monte en vous. La joie peut-être...

Votre souffle est la clé de votre réalité.
Vous expérimentez votre propre compagnie. Vous expérimentez votre profondeur. Vous êtes dans la paix.
Le monde alentours s'estompe. Vos pensées se raréfient.
Vous êtes.
Vous n'avez besoin de rien en cet instant précis. Vous êtes entier, complet et en paix. Vous êtes tel que vous êtes et tout est parfait.
Le temps et l'espace se sont dissous dans votre profondeur, dans votre présence. Celui/celle que vous êtes se déploie dans un éternel présent sans début ni fin, sans avant ni après...
Vous n'avez besoin de rien.
Vous êtes. 

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La gratitude est l'une des plus grandes forces qui existent pour transformer notre vie. Pourtant, elle ne va, hélas, pas de soi, car tout semble fait pour nous en éloigner.

Nous vivons dans un environnement qui porte à dénoncer, condamner ou craindre. Pour ceux qui lisent encore les journeaux ou regardent la tv, l'occasion de se réjouir d'une bonne nouvelle est plutôt rare. Nos pensées sont prises dans des « problèmes » qui, la plupart du temps, ne nous concernent pas ou sur lesquels nous n'avons aucune prise. Tout est fait, probablement sciemment, pour que nous demeurions focalisés sur les imperfections plutôt que sur les bénédictions qui fleurissent autour de nous. Nous avons été entraînés à douter, à redouter, à désapprouver, à nous fâcher, à nous attrister... Nous oublions que nous n'avons de pouvoir que sur nous-même et sur ce à quoi nous sommes confrontés dans notre vie quotidienne et maintenant. Le reste est hors de notre portée, et nous en faire une raison de souci équivaut à nous créer des buts négatifs au lieu de vivre ce que la Vie nous apporte au présent.

Ce mot, « présent », ne recèle-t-il pas d'ailleurs un cadeau caché ? N'avons-nous pas envie de recevoir, à chaque instant, ce présent ?

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Quoi qu'il puisse arriver au cours d'une journée, nous avons toujours le loisir d'identifier ce qui fait naître en nous de l'appréciation : un rayon de soleil déposé avec délicatesse sur un feuillage, le toit au-dessus de notre tête, le repas que nous prenons, l'ami qui nous appelle, la douceur d'un regard. À chaque instant, nous pouvons découvrir de quoi nous réjouir.

La gratitude est une vertu qui naît de l'attention. Lorsque nous sommes présents à nous-même et à ce qui se passe, nous vivons un autre temps. Nous remarquons ce que nous ne percevions pas jusque là : une petite fleur surgie au travers d'une fissure dans le bitume, le chant d'un oiseau proche, la souplesse de notre marche, le confort de nos vêtements...

Si quelqu'un nous agace, nous avons le choix de demeurer dans cet agacement ou de nous demander ce que nous sommes susceptibles d'apprécier en lui - de belles mains, une diction parfaite. Il s'agit d'être sincère, car l'agacement nous incite à repousser plus qu'à accueillir.

L'appréciation est un des visages de la gratitude.
L'appréciation fait grandir la gratitude.

Le matin, lorsque nous nous éveillons, prenons un instant pour apprécier la chaleur de notre lit douillet, le rayon de soleil qui traverse notre chambre, le café que nous allons déguster.

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Lorsque nous sortons de chez nous, même si c'est pour emprunter un trajet habituel, soyons attentifs à tout ce qui peut être une occasion d'apprécier ou de nous réjouir : la haie de peupliers au bord de la route, la musique écoutée, la discussion impromptue avec un inconnu... ou le silence du petit matin.

L'appréciation est un muscle à entraîner. Il est possible de le faire tout au long de la journée, et de s'y livrer, le soir, en allant se coucher. Si nous nous endormons avec un sentiment de gratitude, nous nous éveillerons le lendemain avec légèreté - et certainement de la joie.

Dire « merci », quelle que soit la raison, nous ouvre les portes de la félicité. Et transforme notre vie. Littéralement.

La Vie, en effet, répond à nos pensées et à nos ressentis. Plus nous sommes dans l'appréciation et la gratitude, et plus la Vie nous apportera des opportunités d'appréciation et de gratitude... L'inverse est tout aussi vrai : plus nous avons d'occasions d'exprimer du mécontentement et plus la Vie nous offrira d'autres occasions de mécontentement. Nous attirons à nous ce que nous vibrons.

Alors, pour que le présent soit un présent de chaque instant, entraînons notre attention à ne voir que le Beau, le Vrai et le Bon autour de nous.

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« La gratitude de ce que nous avons,
de nos manques éteint le tourment »

Il est dit, dans la Tradition, que le Christ cheminait avec ses disciples lorsque, au détour d'un chemin, ils trouvèrent la charogne d'un chien. Instinctivement, les disciples s'éloignèrent, en raison de la puanteur. Mais Jésus s'approcha, se pencha sur le cadavre, et s'exclama :
- Magnifique ! Vraiment magnifique !
Stupéfaits, les disciples lui demandèrent en quoi une telle charogne pouvait bien être magnifique. Jésus leur répondit :
- Ce chien avait une dentition parfaite !

Un de mes amis aime à dire : « Cherchez l'or ».
Cherchons l'or en toute situation, en toute personne.

Peut-être nous faudra-t-il charrier des tonnes de boue pour tomber sur une pépite, si minuscule soit-elle ; mais il y a toujours une pépite.

La gratitude est le meilleur des outils du chercheur d'or.

Alors, même si nous ne savons pas encore pourquoi, prenons l'habitude de dire merci. Et notre vie toute entière en sera transformée.